A la différence des grands concierges de palace en redingote, également appelés "clefs d'or", le champ d'intervention des concierges privés s'étend au-delà des dorures et des rues bordant les hôtels : "Contrairement à ces concierges-là, on va travailler beaucoup plus en amont, on va anticiper l'arrivée des clients. S'ils viennent deux mois plus tard, on va leur indiquer la personne qu'ils rencontreront à leur arrivée, quelle exposition a lieu au moment de leur séjour et puis, souvent, nos clients arrivent à Paris mais finissent en Champagne"...
"No Address" et discrétion absolue
Tout le monde ne devient pas concierge privé! Les cinq valeurs : la mémoire d'abord. "Si on dit une chose une fois à un concierge, qu'il soit privé ou dans les palaces, il doit s'en souvenir toute sa vie. Il y a aussi l'intuition, l'engagement, le réseau et la discrétion."
Si le métier de concierge change, c'est que le secteur hôtelier est à la peine : au mois d'août à Paris, le chiffre d'affaires des hôtels a diminué de 28 % sur le marché du milieu de gamme et surtout de 42 % dans la catégorie luxe et palace. Dans ce contexte difficile, il faut sans cesse s'adapter aux exigences des clients. Or les plus fortunés d'entre eux ont une nouvelle demande : ils réclament toujours plus de discrétion. D'où l'existence d'établissements comme le Pourtalès, qui est d'ailleurs connu sous l'autre nom évocateur de "No Address". Car Airbnb est passé par là : "Avec cette économie collaborative, on trouve de belles alternatives aux palaces. Le “No Address”, c'est un peu le phénomène très spécifique qui s'inscrit entre le boutique hôtel et l'appartement loué", analyse Philippe Gauguier, associé tourisme, culture et hôtellerie au sein du cabinet d'expertise comptable In Extenso.
Les clients fortunés se voient donc proposer ce nouveau choix. Plus personnel. Clefs en main. "Dans les années 1970-1980, les palaces se partageaient les clients. Il y avait ceux qui voulaient se faire voir qui allaient au Plaza Athénée et ceux qui voulaient se faire plus discrets qui allaient au Bristol." Outre sa légende et ses ornements, il est vrai que l'hôtel de la rue du Faubourg-Saint-Honoré bénéficie d'un accès au sous-sol. Le Ritz peut, lui, se targuer d'un accès rue Cambon. Mais il semble que ça ne soit pas assez pour certains…
L'effet Airbnb
Kim Kardashian est de ceux-là. Pour vivre à l'abri des regards et des objectifs, son choix s'était donc porté sur ce fameux "No Address", où l'on cultive plus que jamais le goût du secret : "Il n'y aura aucune prise de parole de l'hôtel" y répond-on lorsque l'on sollicite un éclairage sur les pratiques du métier.
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En quête d'invisibilité, la femme de Kanye West disposait au "No Address" d'une porte discrète située dans la cour intérieure de l'hôtel, d'un ascenseur pour voiture et de sorties cachées pour fuir les paparazzis. Ainsi que d'une conciergerie capable de répondre à ses moindres caprices. Michel Bethune se souvient qu'il n'y a pas longtemps, une cliente qui résidait dans "l'hôtel pas très loin de la rue Tronchet" - la formule de rigueur pour désigner le "No Address" - était venue avec son petit chihuahua qui craignait le froid : "Nous avions proposé des pulls, mais ça ne lui convenait pas parce que ce n'était pas assez chic. On lui a alors confectionné un petit manteau de fourrure en moins de quarante-huit heures."
Vers la démocratisation grâce aux nouvelles technologies ?
Des habitués des résidences privées, on pourrait en citer d'autres : Zlatan Ibrahimovic ou Madonna au Pourtalès, Brad Pitt à l'hôtel particulier Montmartre, plus modeste, mais tout aussi discret. "Parfois, ce sont les conciergeries de luxe qui recommandent les adresses", informe Oscar Comtet, patron du plus petit hôtel de Paris, "niché entre la célèbre avenue Junot et la rue Lepic". Les partenariats sont nombreux. MyConcierge travaille avec Le Bristol et Lapérouse. Certains y voient une manne potentielle et pousse la collaboration encore plus loin. La capacité de John Paul à "trouver en quarante-huit heures des pingouins pour égayer les cinquante ans d'un riche client" a tapé dans l'œil du groupe AccorHotels, qui a mis la main sur la société pour une valeur d'entreprise d'environ 150 millions de dollars. John Paul, qui affichait un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros en 2013, indique désormais avoisiner les 60 millions d'euros.
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